NO ENTIENDO NADA

« Je retourne en Espagne, le roi répudie la reine, la vieille épouse le perroquet, César devient roi, j’épouse César et je deviens reine ! » Louis de Funès – 1971
« We’re opening a new Globo Gym in Mexico City, so I’ve been boning up on my Spanish » Ben Stiller – 2004

Més que un club

A mes yeux, les gens qui maîtrisent plusieurs langues sont des dieux vivants descendus parmi les hommes. Quand elle me dit qu’elle parle japonais ou quand il me dit qu’il parle hindi je me transforme instantanément en un volcan d’admiration dont les éruptions dévastatrices déversent la lave visqueuse de la jalousie sur la Pompei de mon ignorance. J’adore et j’envie. Dans mes rêves les plus fous je parle couramment japonais, chinois, arabe, russe, italien, hindi, thaï et wolof. Sauf que pour le moment je me contente malheureusement du français, de l’anglais et de quelques restes d’allemand qui doivent se limiter à « Arbeit Macht Frei », « Schultz Staffeln », « Heil Hitler », « Wurst am Frühstück » et « Wollt Ihr Das Bett In Flammen Sehen ? ». Autant dire que je ne pourrai même pas collaborer si Angela Merkel décide de se laisser pousser la moustache et de nous éclater la ligne Maginot pour remettre le couvert en mode Blitzkrieg.

Si nous étions un jour comme un autre, une fois ce constat effectué, je me contenterais de pester contre toutes les enflures polyglottes avant de retourner gentiment me coucher dans le berceau crasseux de ma flemmardise pour m’y faire bercer par cette venimeuse amie qu’est la procrastination. Mais aujourd’hui est un autre jour. Le jour où j’ai collé une droite à cette pute de berceuse. Le jour où la frustration a décroché la timballe. Le jour où ma Rosa Parks interne s’est levée, s’est rassise, a dit non et ferme ta gueule. Aujourd’hui j’ai décidé d’apprendre l’Español ! Tout seul. Et en vous racontant des conneries plus grosses que la teub d’un diplodocus qui plus est. Cette note est tellement antidatée que j’aurais presque honte de vous avoir enfumé à ce point si j’en avais quelque chose à carrer. En vrai ça fait plus d’un mois que je m’y colle.

Pourquoi l’Español me direz-vous avec la pertinence qui vous caractérise si peu ? Excellente question, comme toujours. Je vais donc vous conter une histoire. Une histoire où le mal vous épie, tapi au coin d’une ruelle sordide, l’œil torve, affublé du rictus sadique et poisseux caractéristique des engeances malignes de son acabit. Une histoire qui vous fera hurler d’effroi. Une histoire de vilenie et d’abomination. Une histoire qui secouera vos petits êtres chétifs jusqu’au plus profond de leur âme maladive. La garantie de réveils en sursaut jusqu’à la fin de vos jours et même après, trempés de la sueur glaciale de l’angoisse et de l’oppression.

Hum… Excusez-moi, je pense que Rod Serling a une mauvaise influence sur moi en ce moment, il finit manifestement le boulot que Lovecraft a commencé sur mon esprit malade. L’Español c’est cool parce que ça permet d’aller dans une blinde de pays. L’Español c’est cool parce que ça ressemble quand même vachement au français. L’Español c’est cool parce qu’ils ont le bon goût de ne pas utiliser un alphabet à la con mais le bon vieux truc normal de l’occident triomphant. Vous en voulez d’autres ? J’en ai plein mais ça ne suffit bien évidemment pas. La jalousie et l’admiration n’étaient pas des moteurs assez puissants pour remettre en branle une machine aussi rouillée que ma motivation. Il me fallait plus. Du basique. Du violent. Un truc qui me casse vraiment les couilles. Ça tombe bien parce que la frustration ça a tendance à bien me les briser. ¿Por qué la frustración? Et bien figurez-vous que pour une fois mon boulot m’a servi à quelque chose, ça vaut donc le coup d’en parler. Sachez-donc ami(e)s lecteurs/trices que j’ai été amené a récemment travailler pour la branche espagnole de ma boîte, j’irai même jusqu’à dire piloter une certaine partie de l’activité pour me faire mousser un peu. Et il s’avère que les collègues posés sur ladite branche sont extrêmement cools. Ce qui m’a évidemment posé un énorme problème car, bien que j’arrive à piger l’essentiel de ce qui se dit lors d’une conversation, j’étais incapable de répondre autre chose que « », « No » et « La cuenta por favor ». Autant dire que c’est le meilleur moyen pour passer pour l’empereur des abrutis. Sur mon échelle de frustration je donne un 99% au fait de rencontrer quelqu’un d’intéressant et d’être seulement capable de communiquer avec des onomatopées pathétiques à peine plus intelligibles que Stephen Hawking qui chanterait Born to be wild avec une chaussette dans la bouche. Moi qui suis si d’ordinaire si spirituel, comment oserais-je priver une part entière de l’humanité de ma légendaire qualité réthorique ? Je me devais de réparer cet affront fait à l’humanité hispanophone.

J’ai donc lancé l’opération Chorizo para todos. L’Espagnol pour les nuls – extended edition, le Bled – Grammaire espagnole, le Bled – Vocabulaire espagnol, un dictionnaire au cas où et je suis équipé pour parer à toute éventualité. J’utilise la même technique que celle qui a déjà bien fonctionné pour aller vite en anglais et lâcher la grammaire à la con le plus tôt possible. Je lis tout ce que je peux en espagnol, je regarde des films en espagnol, j’écoute des chansons en espagnol. Olé ! Bon, en fait de lecture pour le moment je me contente de lire, relire et encore relire les 25 premières pages de La Mala Hora de Gabriel Garcia Márquez (au moins une fois par jour) jusqu’à ce que ça rentre et qu’il me reste plus un seul mot de ces 25 pages que je ne comprenne pas. Cette tactique est d’une puissance absolue croyez-moi : un des premiers livres que j’ai lu en anglais c’est Harry Potter. Comme ça passait tout seul j’ai pris la confiance et j’ai enchaîné juste derrière avec American Tabloïd de James Ellroy et là ça m’a calmé tout de suite, je crois bien que j’ai dû lire les cinquante premières pages de ce bouquin au moins 5 fois. Faut dire qu’à la première lecture je n’avais même pas compris que les spics ça désignait les hispaniques. Le slang des fifties c’est un peu optimiste quand on n’a qu’un livre pour enfant à son tableau de chasse. Mais une fois passé la douloureuse tout me paraissait d’une simplicité enfantine. Une success story toute tracée malgré la petite faille de cette magnifique méthode d’apprentissage : un vocabulaire dramatiquement inadapté à la plupart des situations de la vie quotidienne. Je sais que les Bisounours c’est les Osos amorosos mais je ne sais pas demander une fourchette au restaurant ou m’acheter une paire de chaussettes tout seul. Au moins vous savez pourquoi les Dieux vivants marchent pieds nus.

[Dedicado a mi profe que es mágica porque es la única que entiende mis diatribas dadaístas y que habla francés aún más hardcore que mi español. (Ne cherchez pas, cette phrase n’a probablement aucun sens)]

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4 réponses à NO ENTIENDO NADA

  1. M.A.L. dit :

    Mince… et moi qui pensais qu’avec les profs de dingue qu’on a eu au lycee et un groupe d’anthologie comme Rammstein, t’etais deja bilingue et que tu maitrisais les subtilites de la langue de Goethe ou du moins le minimum vital pour assurer avec les filles (buck dich, du riechst so gut, etc.) Quelle deception, le mythe s’ecroule !!

    • Machiavelas dit :

      Ah merde, j’ai oublié « Bück dich » et « Mein Kampf » :P J’ai légèrement altéré la réalité pour des besoins stylistiques mais il est évident que je maîtrise parfaitement la langue de Dolfie voyons.

  2. dd dit :

    Décidément tes billets me plaisent bien! (aucune allusion pédoquienne)

  3. Ping : Petit précis d’awesomeness | Des claques dans la bouche

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