Ite missa est

« Is this my reward for defending God’s church ? » Gary Oldman – 1992
« Heureux les pauvres en esprit, car le Royaume des cieux est à eux. »
Jésus de Nazareth – 33

La vie de Brian

Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. La terre était informe et vide : il y avait des ténèbres à la surface de l’abîme, et l’esprit de Dieu se mouvait au-dessus des eaux. Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut. Après avoir allumé la lumière Dieu dit encore : Que le traquenard soit ! Et le Traquenard de Noël fut. Merci la Bible ! J’ai donc replongé. Comme tous les ans. J’ai assisté à la messe de minuit à 18h30. Mieux vaut pas dire où, c’est déjà assez dur à raconter. Et en plus j’étais avec Eric Woerth

Comme vous l’avez déjà remarqué, dans la famille on est un peu à cheval sur les histoires de religiosité. Autant dire que rater la messe de Noël ne fait pas partie des options envisageables si je veux conserver l’image parfaite que j’ai réussi à me construire au fil des années malgré mes habitudes musicales très portées sur les ritournelles sataniques et la découverte de ma collection de pornos (ça fera peut-être l’objet d’une note savoureuse un de ces jours). Si vous ajoutez à ça ma bonté naturelle et mon envie inextinguible de faire plaisir à tout le monde, vous savez aussi bien que moi l’inéluctabilité qui me guettait. A la messe je serai. La cerise sur le gâteau s’étant cette année incarnée en la personne d’un voisin de mon père. Cet homme est parfaitement non identifié pour moi, c’est la première fois que je le vois malgré l’insistance de mon pater à essayer de me faire croire le contraire. Seul trait notable : c’est Eric Woerth. Pas le vrai hein. Juste son putain de frère jumeau : la même tronche, la même voix, les mêmes costumes, les mêmes sujets de conversation. Enfin disons plutôt qu’il parle exactement des mêmes sujets dont j’imaginerais Eric Woerth parler si j’avais assez de temps à perdre pour imaginer ce genre de choses. Et oui, cette phrase est aussi alambiquée qu’elle en a l’air, même pour moi. Ne la relisez sous aucun prétexte. De toute façon il est l’heure d’aller à la messe.

A peine arrivé sur place, pas le temps de me préparer mentalement aux 90 minutes qui vont suivre. Je suis cueilli à froid par le mec qui s’occupe de la musique : désolé les mecs, nous avions annoncé le début de la messe pour 18h30 mais en fait c’était un gros mytho car les hostilités démarreront à 18h45. Le quart d’heure de rabiot c’est cadeau, on va chauffer la salle à blanc avec nos mélopées entraînantes. Merci, bonsoir, on va s’éclater. En fait de mélopées on aura juste droit à ce que je pourrais décrire comme l’équivalent de Lady Gaga qui nous interprète la chorégraphie de Rabbi Jacob. Le tout accompagné à la flûte traversière. Un jour peut-être saurai-je pourquoi c’est toujours les instruments les plus nazes qui ressurgissent au moment où on en a le moins envie. Et en plus ils veulent qu’on fasse la même dans l’assistance, nous sommes censés nous dandiner en agitant les bras et en ayant l’air contents d’être là. Je comprends à cet instant qu’il faut faire une croix sur le vin de messe, ils ont manifestement tout sifflé avant de commencer…

Après quinze minutes d’effroi ce tintamarre cesse enfin pour laisser place aux choses sérieuses. Les curés sont dans la place. On sent que le casting annonce du brutal. Nous avons en effet droit à pas moins de cinq prêtres pour concélébrer l’office. Comme j’ai oublié les tronches des trois premiers, on va dire qu’ils ne ressemblaient qu’à eux-mêmes. Ce sont les deux autres qui valent leur pesant d’hosties. Numéro 4 n’est autre que Malcolm Mac Dowell en personne. Il a vraiment la tronche du type qu’il ne faut pas faire chier, le genre qui roule en Harley et qui met des coups de chaîne sur le capot des bagnoles qui ont le malheur d’essayer de le doubler. A chaque fois qu’il bouge j’ai l’impression que c’est pour attraper une arbalète sous son siège et dégommer des gens au hasard dans la foule en mode killing rampage. Je ne peux pas m’empêcher d’être un peu déçu quand je m’aperçois qu’il a juste sorti son mouchoir… Et vous n’avez encore rien vu. Numéro 5 arrive dans sa grande majesté. Djimon Hounsou est parmi nous. Il porte son aube comme si on était dans Matrix 4. La version noire de Neo sappée en blanc (faut suivre). Trop la classe, manque plus que les lunettes de soleil. Bon forcément, y’a un blaireau derrière moi pour remarquer que le prêtre est noir mais qu’il est très bien, on va dire que ça part d’un bon sentiment…

On commence sur les chapeaux de roues avec un combo Kyrie eleison / Gloria / Psaume, classique mais efficace. Notre petite affaire suit son cours gentiment. J’assiste à tout ça sans me départir de mon air hagard habituel en pareilles circonstances mais en conservant toutefois le degré d’attention suffisant pour savoir quand me lever et quand m’asseoir. Arrive alors le moment où numéro 2 se colle à la lecture de l’évangile. Je ne sais pas ce qui lui passe par la tête (probablement quelque chose proche de l’accident vasculaire cérébral) mais il part complètement en vrille et commence à entonner le machin en chantant. Et il a, grosso modo, le flow de Tony Vairelles un lendemain de cuite. Toute la ponctuation passe à la trappe. Si on ne connaissait pas déjà l’histoire on n’aurait aucun moyen de piger de quoi il parle tellement son slam est psychédélique. Et ce cuistre trouve le moyen de conclure, sous les regards de dizaines de petits vieux hébétés, par un magnifique « Aha ! Vous n’avez pas l’habitude comme ça hein !? » dis sur le même ton qu’un Guy Georges qui offrirait un bouquet de fleurs à sa victime après l’avoir besognée pendant douze heures dans un parking souterrain. Je suis à deux doigts de me lever pour applaudir. Ou m’enfuir.

C’est sans compter sur Numéro 2 – Guy Georges. Le bougre a plus d’un tour dans sa musette. Il enchaîne avec une incroyable homélie. Pour info, une homélie c’est comme un sermon sauf qu’aujourd’hui ‘sermon’ c’est trop has been. Ça parle des Pharisiens et des ténèbres intérieures, c’est saupoudré de références théologiques et philosophiques. Du high level finement ciselé. Sauf qu’il a probablement perdu 95% de l’assistance au moment où il a prononcé le mot Pharisien. Merci quand même Guy, tu viens de me sauver ma soirée. Oui, pour ceux qui en doutent encore, vous avez bien lu : ce dernier paragraphe n’a servi qu’à me permettre de vous cracher ma culture à la gueule en vous montrant que je n’ai pas besoin de wikipedia pour savoir ce que c’est qu’un Pharisien. Il fallait au moins ça. Le Credo qui s’ensuit est un grand moment de joie personnelle quand au moment de dire « Par l’Esprit Saint, il a pris chair de la Vierge Marie et s’est fait homme » je pense tellement fort à « Par l’Esprit Saint la Vierge Marie a pris cher » que je finis par l’entendre.

A l’heure de la quête je vérifie tout de même du coin de l’œil que mon Eric Woerth à moi est plus honnête que l’original. Pas de souci, il met un sou dans la corbeille et garde les mains bien en évidence. Ce mec est une probité chauve à lunettes. On enchaîne avec la communion, c’est Malcolm qui s’en charge pour mon côté d’Eglise et il distribue les hosties avec la même intensité que Clubber Lang quand il enchaîne les crochets du droit. J’hésite jusqu’au bout à lui coller une balayette préventive, mais heureusement il décide d’épargner la pauvre créature chétive qu’il a sous les yeux. C’est à ce moment précis qu’une autre tradition est respectée : croiser le regard de quelqu’un que je n’avais pas vu depuis le collège (comptez quand même vingt piges) et qui se retrouve aussi en ces lieux par un improbable concours de circonstances. La candidate de l’année est donc une certaine Anne-Cathy, avec qui j’avais eu la joie d’échanger un ou deux chewing-gums aux alentours de la classe de quatrième si mes souvenirs sont bons. Je suis pas sûr qu’on puisse vraiment appeler ça une ex. Je suis pas sûr non plus que je devrais m’en vanter d’ailleurs car il semblerait que la douce Anne-Cathy a sacrément eu du mal à encaisser le passage à l’an 2000. La pauvre a l’air plus vieille que la plus vieille des meufs que je connais, avec des cernes qui descendent jusqu’aux genoux. Gros choc. C’est toute mon adolescence qui se retrouve piétinée au son des « Douce nuit » indifférents qui s’envolent sous la nef. J’espère juste que Fabienne n’est pas dans cet état.

La soirée n’est pas si niquée que ça si on regarde bien, je finirais presque par prendre goût à tout ce folklore. En tout cas ça fait du bien de voir des gens motivés pour me faire passer un moment un peu marrant malgré moi. Eric Woerth ira même jusqu’à prolonger la magie du moment sur le chemin du retour en étant égal à lui-même et en nous proposant rien de moins que du Gustav Mahler. J’avoue que ça me change des conneries habituelles genre Tino Rossi et consorts. En plus j’ai bien senti que j’ai gagné son respect quand j’ai reconnu le bon Gustav. Y’a pas que Pantera dans la vie, même quand on est tatoué de partout, retient bien ça Rico. Tu pourras m’écrire une lettre de recommandation le jour où j’enverrai mon cv au Vatican pour devenir reporter in ecclesia ou un truc équivalent.

Habemus blogum !

(Bonus exclusif) Le flyer avec les lyrics de la choré du début, fais-toi plaisir.

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