Aucun sens critique : Drive Angry vs. The Fall

Aujourd’hui on va essayer de parler un peu de cinéma. Enfin. C’est quand même une de mes grandes passions et il faut bien que ce blog serve à quelque chose. Par où commencer ? Choix cornélien : actrice, réalisateur, film, acteur ? Il y en a des millions dont j’aimerais vous vanter les mérites. D’ailleurs, en y repensant, c’est peut-être légèrement un problème. J’ai comme qui dirait un côté bon public. Posez-moi dans une salle obscure et je perds toute dignité, je passe instantanément en mode neuneu avec des étoiles dans les yeux. Du coup vous avez compris que mes critiques vont sentir la dinde, faites pas comme si je vous avais pas prévenus. J’aime trop l’ambiance des cinés, les fauteuils rouges, le gros son, les bandes annonces qui démarrent, je suis à fond dès qu’on éteint.

Le corollaire étant bien évidemment que je suis parfaitement insupportable dès que survient la moindre contrariété qui pourrait gâcher mon plaisir. D’où une certaine propension à insulter tous ceux qui mangent, parlent, trifouillent leur téléphone et bougent dans un rayon de vingt mètres autour de moi. Et il y’a toujours un connard pour chercher un machin dans un putain de sac plastique. Toujours. Heureusement la plus belle ville du monde a tout prévu pour moi : à Paname on a le choix. Il y a toujours moyen de moyenner une salle pas trop fréquentée, avec une programmation sympa pour revoir des classiques dans des conditions optimales. En plus nous avons la chance de n’avoir à disposition que des films en version originale. La VO c’est la chimio la plus efficace du monde contre les pires métastases de l’environnement cinématographique : les enfants et les handicapés du cervelet qui-ne-peuvent-pas-regarder-et-lire-en-même-temps, ceux qui ont 99,99% de faire chier à un moment ou à un autre. Bon ça marche moins bien pour les films français, mais comme j’en vois deux par an…

Je suis bon public parce que j’arrive presque toujours à trouver un truc qui me plaît dans un film, un prétexte pour sauver les plus immondes bouses. Impossible de sortir complètement déçu d’une séance. Avec un peu de recul je suis bien sûr capable d’analyser un minimum ce qui ne va pas dans un film mais, sur le moment, tout passe. Je me laisse porter par le flow. Je ne suis jamais sorti de la salle avant la fin par exemple, c’est inimaginable. Tel un pokémon, je suis capable d’évoluer très vite vers le mode second degré quand je sens les premières volutes stercoraires du film scénarisé par un myopathe et tourné avec le cul. Une capacité tellement développée que je serais sûrement ceinture noire sixième dan de ‘second degré’ (l’art martial qui vous permet de mater toutes les télé-réalités de merde de TF1 et M6 sans trop culpabiliser) si y’avait des dojos pour ça. Vous avez deviné que je me dis ça pour me rassurer et ne pas admettre que j’ai probablement des goûts à chier… En tout cas, avec cette feinte de gitan, tout devient possible. Je plains les rageux qui sortent des séances tout vénères avec la gueule du mec à qui on vient de montrer une vidéo où leur grand-mère se fait démonter par les Harlem Globe Trotters.

Illustrons cette singulière dichotomie avec deux films vus très récemment : Drive Angry 3D réalisé par Patrick Lussier et The Fall, réalisé par Tarsem Singh. Attention les yeux.

Le mieux pour situer Drive Angry c’est de commencer par son personnage presque le plus WTF : Jonah King (Billy Burke) est le gourou d’une secte de bouseux satanistes, il se déplace en camping-car, il est fringué comme un type qui serait arrivé avant-dernier à un concours de sosies d’Elvis organisé à Roubaix et il sort des tirades absolument impensables dans ce genre-là : « J’adorerais te regarder te vider de ton sang en mangeant mon pamplemousse. » En plus il veut créer l’enfer sur terre en sacrifiant un bébé un soir de pleine lune. Voilà.

Patrick Chirac prépare camping 3

Et encore, lui c’est seulement le perso presque le plus WTF car le vraiment plus WTF c’est le comptable (William Fichtner) qui est tout bonnement incroyable. En gros c’est la mort (ou un de ses subsides, ça n’est pas très clair) fringuée en comptable. Il poursuit Milton (Nicolas Cage) pour le ramener en enfer après son évasion (pour sauver le bébé évoqué plus haut qui n’est autre que son petit-fils). Le comptable insulte tout le monde, enchaîne les traits d’esprit, joue avec une pièce magique, renifle la piste de Milton comme un clébard et fait exploser des trucs au ralenti en écoutant KC & The Sunshine band. Notez que je viens d’écrire l’intégralité du scénario en deux phrases.

That's the way, aha aha, I like it.

Du génie à l’état pur, surtout en lâchant un Nicolas Cage dégoulinant de badasserie cheap en roue libre au milieu de tout ça. Et en sachant qu’il n’y a aucun perso féminin qui ne finisse pas à poil à un moment ou un autre (saut la délicieuse Amber Heard, mais elle est en minishort, ça compense un peu).

Bien évidemment, les dialogues sont ridicules (cf. l’histoire du pamplemousse), la 3D ne sert à rien et les effets spéciaux (commis par un boîte bulgare) sont indignes du remake albanais d’un épisode raté des contes de la crypte… Et pourtant, avec Mogadishow (qui a eu la malchance d’assister à ça lui aussi), on est sortis de la salle avec une patate d’enfer. Drive Angry c’est le triomphe de la psychologie inversée appliquée au cinéma : tout ce qui se passe sur l’écran schlingue en long, en large et en travers et pourtant on adore. Second degré FTW !

Dans le coin opposé (in a galaxy far, far away), voici The Fall. J’ai eu la joie de découvrir cette petite merveille lors d’une carte blanche 1kult au nouveau latina. C’est une pépite dont je n’avais jamais entendu parler, j’ai même cru faire la découverte du siècle avant que ma TL twitter me remette en place à base de « t’es un gros loser, on l’a déjà tou(te)s vu », prouvant au passage que j’avais affaire à des gens de goût. Sur le papier ça ne fait pas forcément rêver : inspiré d’un film bulgare (encore eux !), réalisé par un Indien dont le précédent film affichait Jennifer Lopez (mais pas nul), un casting d’inconnus (sauf pour les aficionados de Lee Pace), pas sorti en salle en France, même pas en 3D. Autant dire qu’il fallait être motivé pour se coltiner une séance à minuit… Deux heures plus tard, j’étais sur le cul et sur la selle de mon vélib.

The Fall c’est la rencontre entre Roy Walker, un cascadeur suicidaire, paralysé à la suite d’un accident, et Alexandria, une fillette qui s’est cassé le bras, hospitalisée au même endroit. Ça se passe dans les années 20. Roy raconte une/son histoire à Alexandria sous forme de conte. Le film alterne entre les scènes de la ‘vie réelle’ et le conte où, dans un univers à la Munchausen de Terry Gilliam, cinq protagonistes (un guerrier africain, un guerrier indien, Darwin accompagné de son singe, un italien spécialiste des explosifs et le mystérieux black bandit franco-espagnol) partent à la recherche du gouverneur odieux pour lui faire payer le tort qu’il a bien pu leur faire. C’est Alexandria qui imagine (visuellement) l’histoire racontée par Roy en incluant tous les personnages de son quotidien.

Step by step ! Oh Baby !

L’alternance narrative réalité / fiction, bien que classique (Labyrinthe de Pan ou Richard au pays des livres magiques ?) fonctionne bien, Singh se permettant à peu près tout dans la grandiloquence des décors et des paysages pour les scènes imaginaires. Il n’y a pas d’effets spéciaux du tout : le réalisateur a tourné dans des dizaines de pays sur quatre années pour faire son film plus ou moins tout seul. On peut donc dire qu’il en voulait un peu, et ça valait le coup. Pourquoi donc, me direz-vous ? Des temples aux quatre coins du monde, des paysages grandioses, des images avec un grand i c’est déjà pas mal, mais ça ne fait pas un bon film. La qualité de l’histoire et des personnages est là. Les deux plans de narration sont aussi prenants l’un que l’autre. On passe le film suspendu au fil du conte, on est frustrés quand l’histoire est interrompue, on a envie de savoir la suite et pourtant les scènes de la vie ‘réelle’ sont tout aussi intéressantes et on parvient à s’attacher aux personnages réels autant qu’à leur alter-ego du conte. Lee Pace est excellent et Catinca Untaru (Alexandria) est probablement un des meilleurs rôles d’enfant que j’ai vu au cinéma. Ce film c’est du rêve sur pellicule. Avec Mogadishow (qui a eu la chance d’assister à ça lui aussi), on est sortis de la salle avec une patate d’enfer. The Fall c’est le triomphe du vrai cinéma : tout ce qui se passe sur l’écran pue le génie en long, en large et en travers et on adore. Premier degré FTW !

Il ne vous reste plus qu’à vous incliner devant la puissance de ces deux monuments du cinéma. Le match est nul mais pas les films, regardez-les.

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