Cellule de soutien psychologique

« – Ah, c’est une longue lettre épistolaire de mon ami Dino, qui m’appelle à la rescousse pour me demander de l’aide pour George, qui va mal.
- Qu’est-ce que ça peut te foutre qu’il aille bien ou mal, ce tâcheron ? De toute façon, j’ai jamais pu l’encadrer. » James Stewart & Henry Fonda – 1993

J’aime pas les gens qui vont mal. Tous des enfoirés.

Avant de jeter une brique dans ma vitrine écoutez un peu avec vos yeux : je vais vous parler d’un moment qui craint salement. Vous savez, ce moment où vous vous retrouvez comme un con à ne pas savoir quoi dire alors que vous sentez bien qu’il y a comme une demande en face. Vous sentez le poids de cette attente qui va être déçue. Forcément déçue car illégitime. Ca pue le pathétisme à plein tarin. Vous cherchez désespérément le truc bien puissant qui va sauver la face mais votre cortex ressemble au Kalahari des mauvais jours. Restent que les lyrics de Patrick Sébastien ou des citations de Marc Lévy. Rien d’utile. Les petits buissons qui volent dans le vent dans les westerns. Et du sable autour. C’est la chausse-trappe, le traquenard, l’embuscade. Le qui-va-mal vient de vous ferrer avec son SOS et son regard de teckel. Il attend son shoot, son oxygène, sa bouée de sauvetage mais vous n’avez rien en stock. Le duel s’annonce serré.

Devant les qui-vont-mal je suis toujours désemparé. Désemparé parce que je sais que je vais faire de la merde. Je vais faire de la merde et c’est même pas ma faute. Je suis foutu d’avance car les qui-vont-mal vont mal pour une raison qui n’a rien à voir avec moi la plupart du temps. Je n’ai pas de quoi les faire aller mieux pour de vrai, en réglant moi-même leurs problèmes. Si j’étais un enculé je pourrais même leur en vouloir de m’avoir embringué dans leur galère mais je n’y arrive pas, je suis gentil au fond, même si ça se voit pas. Alors j’improvise. Je fais ce que je peux avec ce que j’ai sous la main. Comme je ne suis pas une putain de cellule de soutien psychologique certifiée iso9001 ben des fois ça sert à rien. Non seulement ils ne vont pas mieux mais en plus ils réussissent à me faire culpabiliser d’avoir fait de la merde. Des enfoirés je vous disais, j’ai pas menti.

Je suis de la vieille école, la cynique. Faut pas se voiler la face : on finit toujours seul face à ses problèmes. Personne pourra jamais résoudre mes existentialités à ma place et j’essaierai même pas une seconde de le faire pour vous. Pas de ça chez moi. J’aurais trop l’impression d’être un légume chez le maraîcher ou le maraîcher devant un légume. L’empathie c’est carrément surfait, elle a trop de lettres en commun avec la myopathie pour ne pas être suspecte. Moi je crois au désamorçage par la connerie. Je ne vais pas vous faire l’affront de citer Desproges mais son « on peut rire de tout » c’est un truc à se faire tatouer sur le cul. Les qui-vont-mal ont donc droit à ma thérapie de choc à base de vannes, de blagues scatophiles et de saillies honteusement racistes. Hitler, Emile Louis, Kim Jong-Il et Guy Montagné à la rescousse. Du grand comique. Pire c’est mieux. Tout est bon pour essayer de changer de côté de lorgnette. Y’en a qui considèrent que c’est de l’esquive. Si c’est vrai c’est en tout cas une technique d’esquive sacrément bien rodée. Une qui marche à tous les coups (sauf quand elle ne marche pas). J’ai même l’outrecuidance de penser que cette ruse circonvolutionnaire n’est pas si merdique que ça. Elle fonctionne sur moi, et comme je suis le seul référentiel que j’ai à disposition je ne peux pas faire autrement que me dire que ça peut le faire pour d’autres. Ethique de réciprocité je crois en toi.

Bon sur ce coup là j’ai pas inventé l’eau tiède hein. Je suis souvent surpris par la joie de vivre des gens qui sont violemment dans la merde selon nos standards habituels, ce mécanisme de défense fonctionne donc pas trop mal. Les chouineurs et les pleureuses on les trouve plutôt au rayon des chagrins demi-sels, pour leurs malheurs de supérette. Là où le niveau d’auto-apitoiement est inversement proportionnel à la gravité de la situation. Je suis pas foncièrement contre un dégazage en pleine mer pour relâcher la pression mais je préfère l’autre option. Quand ça va mal, j’essaye de relativiser et d’aider les gens à relativiser. C’est plus facile à dire qu’à faire mais c’est gratifiant quand ça tourne dans le bon sens. Etre capable de rire à une vanne quand on est au troisième sous-sol c’est déjà appeler l’ascenseur. J’y crois tellement que j’en ferais presque des conneries, genre sortir une blague avec Michael Jackson aux accusés d’Outreau… J’ai bien conscience que cette attitude ne répond pas aux attentes de tout le monde : y’en a qui veulent une épaule pour pleurer, d’autres qui veulent dégueuler leur fiel un bon coup et nous demandent de servir de bassine, d’autres encore qui n’ont aucune envie d’aller mieux… Quand ça commence à être tordu je sais pas trop faire, c’est pas mon truc. A la limite l’écoute passive c’est jouable, mais j’ai pas l’impression de servir à grand chose, c’est frustrant, surtout quand on s’en fout pas trop de la personne en face.

La vie c’est prendre des petits bouts de trucs et puis les assembler ensemble. Je peux te passer des planches (on se tutoie si tu permets), je peux te passer des clous mais ta baraque c’est toi qui la construira tout seul. Si elle ressemble à la niche du clébard d’un lépreux j’y suis pour rien, je prends pas les réclamations. Donc si un jour tu viens me chercher parce que t’es en galère, faudra pas t’offusquer si je te réponds que ton problème c’est de la merde parce ça aurait été bien pire si tu t’étais fait violer par Kimbo Slice avec un rôti de porc surgelé dans les rayons du Picard en bas de chez toi. Fallait pas m’inviter.

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2 réponses à Cellule de soutien psychologique

  1. Mogadishow dit :

    Muy bueno. Mais c’est marrant, je me sens comme qui dirait un tantinet concerné par cet article… huhu
    Je retiendrais deux phrases de cet article:
    « L’empathie c’est carrément surfait, elle a trop de lettres en commun avec la myopathie pour ne pas être suspecte. » et « Être capable de rire à une vanne quand on est au troisième sous-sol c’est déjà appeler l’ascenseur. »
    Je suis jaloux de pas les avoir écrite moi, enfoiré! Donc ouais, t’es un enfoiré!

    Plus sérieusement, quand tu vas mal, sentir que des gens sont là et que le monde continue à tourner comme il l’a toujours fait, c’est toujours ça de pris. Et crois-le ou non, ça fait du bien. Et puis quelqu’un qui va mal, il ne veut pas tant qu’on lui remonte le moral que d’être écouté. Ce qu’il peut verbaliser, c’est toujours ça de moins qu’il aura en lui. Bref. Je pense que tu vois l’idée.

    • Machiavelas dit :

      Tsk tsk tsk, jeune égocentrique. Je ne vois absolument AUCUN rapport avec toi (lis le disclaimer si tu me crois pas). Sinon je pense que tu ferais moins le malin si Guy Georges t’avais violé avec un salami… Bref. Je pense que tu vois l’idée.

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